Carnaval et... racket ?

le MERCREDI 01 FéVRIER 2017

Carnaval et... racket ?. Pendant le carnaval, les week-end et les Jours gras, des personnes masquées arpentent les rues, sollicitant quelques pièces des passants et des automobilistes. Malgré les abus  constatés, la population est majoritairement bienveillante pour cette pratique, limitée dans le temps et qui fait partie de la tradition. A lire dans le prochain numéro de Nouvelles Semaine.
 
 


Une pratique ancrée dans la tradition



Éclairage d’Éric Nabajoth, un des membres fondateurs du groupe Akiyo, ancien doyen de la faculté de droit et historien du carnaval. ( crédit photo: Bernard Boucard)

D’où vient la tradition des quêtes pendant le carnaval ?
Les quêtes d’argent pendant le carnaval sont relativement anciennes. Pour faire court, on peut considérer qu’elles se développent avec, après l’abolition de l’esclavage, l’irruption des couches populaires dans le carnaval. Ainsi, participent des « sociétés », qui « font carnaval », des « Mas », des individus, à côté des défilés habituels des jours gras. Les quêtes, pratiquées par les Mas et les individus, s’apparentent quasiment à des échanges de services : on « donne à voir quelque chose » - « on reçoit en échange une rétribution ». Cependant, cette forme de rétribution est aussi symbolique. Ce n’est pas le lieu d’un enrichissement pour celui qui use de cette pratique. Il peut s’agir d’une quête collective ou d’une quête individuelle. Un groupe arpente les rues, s’arrête quasiment à chaque encoignure où il y a du public, exécute une scène, pendant que circule un chapeau ou un sac destiné à recueillir les quelques pièces données par les uns et les autres. Il n’est pas rare d’observer que, dans les rues où il y a des balcons, les gens qui y sont lancent à leur tour quelques pièces sans forcément que cela leur ait été demandé. S’agissant des démarches individuelles, elles relèvent aussi du jeu et de l’échange. Le Moko Zombie sur ses échasses exécute, au son de l’accordéon, quelques pas de danse et ensuite, habillé en femme, recueille dans son parapluie renversé l’obole des spectateurs. Celui qui circule avec sa boite magique vous fait voir son contenu sous réserve de recevoir en amont une pièce. Souvent d’ailleurs c’est une vaste farce qui amuse tout le monde, car on a des surprises à l’examen du contenu, d’où le terme « Mas a surprises ». Jusque dans les années 1970, ces démarches étaient fréquentes. Ainsi, les groupes de Mas qui les pratiquaient s’arrangeaient pour passer dans les endroits où il y avait le plus d’habitants pouvant lâcher quelques pièces.
 
La  «recette» des sorties permet d’organiser des repas conviviaux
Il importe de distinguer au moins trois situations en la matière. Tout d’abord, certains groupes arpentent les rues le samedi matin, tout en faisant une quête qui reste largement bon enfant et ne pose pratiquement aucun problème majeur. Les participants, d’une certaine manière, relèvent de l’esprit traditionnel dans la mesure où ils arpentent les rues les plus fréquentées, allant même jusqu’à faire des selfies avec quelques spectateurs. Ensuite, on retrouve depuis quelques années un renouveau de la tradition des « Mas Maten ». Ils arpentent non seulement les artères les plus fréquentées, mais tiennent compte de l’évolution de l’urbanisme pour aller dans les quartiers à fort habitat mais où les groupes vont rarement. Ils bénéficient alors du soutien de cette population qui souvent partage avec eux des victuailles et donnent des pièces. A la fin du carnaval, la « recette » des sorties permet d’organiser des repas conviviaux. La dernière catégorie peut apparaître comme un semblant de racket quand, à des ronds points, ou sur des routes, des individus bloquent la circulation, n’acceptant de libérer cette dernière qu’en échange de pièces, donnant lieu quelquefois à des accidents dommageables.
 
N’y a-t-il pas rupture du lien entre carnaval et cette pratique ?
Le carnaval d’aujourd’hui, malgré les discours sur la tradition, est bien différent de celui que l’on prétend prendre en référence. Cependant, si on veut bien l’examiner du point de vue sociologique et anthropologique, il nous dit bien des choses sur l’évolution d notre société. La mendicité sur la voie publique existe tous les jours, il serait surprenant que le carnaval ne fasse pas naître un effet d’aubaine pour quelques individus qui cherchent à améliorer l’ordinaire, plutôt que de voler…
 
Que faudrait-il faire pour redonner à cette tradition tout son sens aujourd’hui ?
Nous sommes parvenus à un niveau où le sentiment prévaut que tous les dimanches sont des jours gras. Des groupes toujours plus nombreux défilent avec un encadrement de plus en plus conséquent. Etre « au service d’ordre » ou « au fouet » devient une nouvelle manière de défiler pour certains groupes. Les parades prennent de plus en plus d’ampleur. L’ensemble posant de sérieux problèmes d’organisation et de sécurité. En réalité, derrière le discours de la tradition, nous sommes au cœur d’un processus de création permanente, et cela est particulièrement stimulant. Dans les faits, les « Mas Maten », aussi bien sur Pointe-à-Pitre que sur la Basse-Terre, sont ceux qui sont les plus proches de cette démarche…

La Délinquance, une fatalité ?
 
Chez nous, la délinquance prend des proportions vraiment inquiétantes. Notre dossier en parle en long et en large pages 12 à 17. Commentaires sur les primaires en Guadeloupe, en page 20. L’ombre de Lurel plane, encore et toujours, sur Chalus. Le président actuel serait-il hanté par le fantôme de l’ancien ? Voyez en page 24. Nos députés bénéficient d’une réserve parlementaire, comment les utilisent-ils ? Renseignez-vous en pages 21 à 23. La ville de Petit-Bourg est en train de prendre son essor. En page 25, un bravo au maire Guy Losbar. Et pour les “carnavaliers”, attention au racket des “Ti mass”. Commentaires en pages 24/25. G.E.