Éclats d'Îles à Paris

le JEUDI 26 AVRIL 2018

La Région Guadeloupe organise un cycle d'exposition d'art contemporain de Guadeloupe "Éclats d'Îles", du 26 avril au 9 mai 2018, Galerie A2Z, 24 rue de l'Echaudé dans le 6ème à Paris
Ce cycle se tiendra tout au long de l’année 2018, en 3 périodes: en avril, juin et octobre 2018, à la Galerie A2Z Art Gallery, dans le quartier de Saint-Germain des Prés à Paris.
Pour cette première période qui se tiendra du 26 avril au 9 mai, les artistes exposés seront : Jöel Nankin, Anaïs Verspan, Ronald Cyrille, Alain Josephine, So Aguessy et Nicolas Nabajoth.
Le vernissage aura lieu ce jeudi 26 avril 2018 à partir de 18h, à la Galerie A2Z Art Gallery








Somnambules du Soleil par Maryse Condé écrivain, marraine d’ÉCLATS D’ÎLES Avril 2018

«Quand je grandissais, la Guadeloupe ne pos sédait pas encore de musées. J’étais bien forcée de me rabattre sur les seules beautés de la Nature.

je réalisais très tôt que le rêve sied à la beauté...

Tout m’était bon : les randonnées avec mes parents, les promenades que je faisais seule sur ma bicyclette ‘Pigeon Volant’.
Je ne savais pas ce que je préférais : la lourde écharpe bleue de la nuit s’abattant du ciel et noyant les contours des êtres et des choses,les abords feuillus du volcan, son cratère dénudé et béant, les eaux fuligineuses des Bains Jaunes.
J’aimais par-dessus tout la mer, verte ou bleue, empanachée d’écume, se jetant comme une femme folle sur les rochers et les cayes, ou bien douce comme une image,venant lécher le sable d’or des plages.
Comme mes journées étaient absorbées par une série d’occupations fastidieuses : aller à l’école, apprendre ses leçons, rédiger des devoirs ou s’initier au piano chez Monsieur Démon où je répétais éternellement les mêmes gammes, je me réservais pour le soir, quand la nuit était tombée. Alors les portes de ma chambre s’envolaient et de somptueuses vignettes venaient m’assaillir dans mon sommeil.
Grâce à ce subterfuge, je réalisais très tôt que le rêve sied à la beauté. Il lui confère sa magie et décuple son pouvoir de séduction.
À la fin de la guerre, après 1945, mes parents retrouvèrent leurs séjours en France et m’emmenèrent avec eux. Je passe sur la terrible désillusion que me causa Paris, ville froide, ville triste où seuls les tickets de rationnement mettaient du goût dans les aliments. Chaque matin je me rendais transie de froid jusqu’à mon lycée-prison. Un jour dans les activités scolaires le professeur de français nous emmena à la Sainte Chapelle qui s’élevait au cœur de l’île de la Cité et avait été bâtie sous le règne de Saint-Louis, nous expliqua-t-il. Je n’avais rien prévu de tel et stupéfiée, considérais la splendeur des vitraux or ou bleu qui me cernaient. Cela suffit à déclencher en moi une fringale qui perdura pendant des années et me conduisit en Italie, en Espagne ou au Pays Bas.

L’art n’est pas unique. Il n’est pas univoque

Durant les années que je passais en Afrique je découvris une notion capitale : l’art n’est pas unique. Il n’est pas univoque. Selon la société à laquelle il appartient, l’artiste crée une beauté qui parait singulière, parfois même
choque et déplaÎt. C’est ainsi que pendant longtemps seuls furent reconnus les trésors de l’Occident. Heureusement il n’en est plus de même à présent et un musée comme celui du Quai Branly est là pour en témoigner.
Un enfant qui grandit aujourd’hui en Guadeloupe fait sans doute l’économie du long parcours qui a été le mien. S’il sait d’emblée que sa terre est belle, il n’ignore pas non plus qu’elle possède des créateurs et que ceux-ci déversent la magie à pleines mains. Il sait que certains sont autodidactes,que d’autres ont étudié à l’étranger mais qu’ils se retrouvent dans la même recherche de beauté.

À cause d’eux il se pose des questions : l’art est-il tributaire d’un engagement politique ? Il sait que certains de ces peintres, à la suite de
leurs idées et du choix de leur mode de vie,ont été stigmatisés et il se demande si ces options se traduisent dans leurs tableaux.
Existe-t-il un art engagé ? Il n’ignore pas non plus que certains de ces artistes ont choisi de représenter la vie traditionnelle. Est-ce que cela signifie qu’ils font fi de la modernité et peuvent être qualifiés de vieillots ? Quelle part de rêve entre-t-elle dans toutes les compositions ?

Quant à moi, je me pose une question : Comment nommer tous les peintres issus de la terre de Guadeloupe ? Forment-ils une école originale ? Toutes ces interrogations auxquelles il est parfois difficile de trouver une réponse aident à grandir la jeunesse guadeloupéenne, parée pour l’avenir.

La Région Guadeloupe présente aujourd’hui six peintres : Joël Nankin, Anaïs Verspan, Ronald Cyrille, Alain Josephine, Nicolas Nabajoth, So Aguessy Raboteur. Qu’il soit permis de donner à ces œuvres, chacune si différente et marquée du sceau de leur personnalité et de leur choix individuel, cependant unie par une commune exigence de créativité, le nom de « Somnambules du
Soleil ».

 Par là nous entendons que le soleil,Compère Général Soleil, ainsi que l’appelle l’Haïtien, Jacques-Stephen Alexis, qui les a abreuvés et les a nourris depuis l’enfance donne à leurs créations une force et une magie à la fois erratiques et singulières. C’est lui qui les tient debout, qui les fait cheminer dans les terres broussailleuses de la créativité."