Visions de l'ailleurs


23 septembre 2009 berthet

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Actes du colloque du CEREAP "Visions de l'ailleurs", tout public.
Avant-propos Dominique Berthet
Dans le prolongement d'un colloque sur le thème de « L'errance » , le Centre d'Etudes et de Recherches en Esthétique et Arts Plastiques (CEREAP) organisait en décembre 2004 un colloque sur le thème de « L'ailleurs ». Pour l'occasion, étaient rassemblés en Guadeloupe des représentants de plusieurs universités et instituts (IUFM de Martinique, Universités des Antilles et de la Guyane, de Paris I, de Metz, de Strasbourg, d'Aix-en-Provence, Beaux-Arts de Nice), et de différentes disciplines (esthétique, sémiologie, histoire de l'art, littératures française, britannique, espagnole, ainsi qu'un photographe et des plasticiens). Ce colloque faisait suite à la parution, en octobre 2004, du dixième numéro de la revue Recherches en Esthétique (organe éditorial du CEREAP), sur le même thème. La notion d'ailleurs est interrogée dans cet ouvrage à partir de pratiques artistiques, d'expériences de vie, d'œuvres littéraires, de points de vue philosophiques.

De même que l'ombre est indissociable de la lumière dont elle dépend, l'ailleurs n'existe que dans sa relation à l'ici. Si l'ici est par définition l'endroit où l'on est, l'ailleurs est l'en dehors, l'autre part proche ou lointain. On peut envisager différentes catégories de l'ailleurs : l'ailleurs géographique connu ou non-connu, l'ailleurs imaginé, projeté, fantasmé, ou encore les ailleurs artificiels en référence à ces voyages intérieurs suscités par certains produits, évoqués par exemple par Charles Baudelaire, Aldous Huxley ou Walter Benjamin. L'ailleurs est donc multiple et complexe. Il est à la fois ce qui fuit en permanence et nous échappe, dans la mesure où l'ailleurs est toujours là où l'on n'est pas, mais il est aussi l'endroit où l'on se rend, dans lequel on voyage, qu'on explore. Selon le cas, il est proche ou inaccessible, familier ou pur fantasme.
Quoi qu'il en soit, la relation à l'ailleurs est souvent de l'ordre de l'espoir, de l'aspiration, de la projection. L'ailleurs est une visée. Compte tenu d'un présent et d'un ici insatisfaisants, décevants, ternes, voire pénibles, l'ailleurs est l'expression du désir. On se voudrait là-bas, où les choses pense-t-on seraient différentes, la situation meilleure, les problèmes résolus ou oubliés. Face au réel insupportable, l'ailleurs est promesse d'une autre vie. La question évidemment se pose alors de savoir si l'ailleurs ne serait pas une sorte d'illusion, un fantasme, l'expression parfois d'une difficulté à surmonter le présent et donc à le changer. Cette vision de l'ailleurs comme espoir d'un mieux être, d'une vie heureuse, d'un lieu où s'épanouir, renvoie aussi à la notion d'utopie.
L'ailleurs géographique suppose le mouvement, le déplacement. Dans l'ailleurs on se cherche, on découvre, on rencontre l'autre. L'ailleurs est le lieu du voyage, éventuellement celui de l'errance. Alors il peut s'associer à la fuite, à la perte de soi. Le voyage quant à lui, ne s'envisage pas de la même façon s'il est contraint ou choisi. Tout différencie le migrant, l'exilé, le réfugié du voyageur qui choisit sa destination et qui sait que le voyage ne dure qu'un temps, qu'il y aura un retour dans le lieu familier. Cet ailleurs que l'on découvre lors du voyage est une invitation à l'exploration des inconnus. L'ailleurs est lié aussi à la rencontre. Rencontre de lieux, de personnes. Surgissement de l'inattendu, de l'imprévisible.
Pour résumer, l'ailleurs est à envisager aussi bien comme espérance et désir que comme menace et risque. Entre magie et crainte, appel et répulsion, possible et impossible, vécu et fantasme, il est un moteur de la vie.